Le flair des chiens dans la lutte contre les ravageurs

Brenden, un border collie mâle, s’assied soudain et regarde fixement l’épicéa de vingt mètres de haut. C’est ainsi qu’il indique à Tabea Haupt, sa propriétaire, que l’arbre est probablement infesté de scolytes. Ensuite, un forestier ou une forestière le vérifie en abattant l’arbre et en enlevant l’écorce en certains endroits, révélant ainsi l’éventuelle présence de scolytes ou de galeries creusées par les larves. Finalement, les arbres abattus sont soit entièrement écorcés sur place ou hors du peuplement, soit laissés encore quelques jours à terre dans la forêt pour faire office de piège. Pourquoi donc? Car ainsi, les scolytes sont attirés par l’arbre affaibli et épargnent les épicéas sains. « Nous n’avons pas utilisé d’insecticides ou de filets dans notre périmètre et dans le cadre de notre projet », précise Tabea Haupt, biologiste et titulaire du master alpin de la BFH-HAFL (voir aussi l’article «Des filets contre les scolytes»). 
 

Des phéromones détectées par l’odorat

Brenden a détecté une infestation de scolytes sur la base de trois phéromones qu’ils émettent à un stade précoce. Ainsi, il est possible d’identifier une infestation avant même que les dégâts soient visibles à l’œil nu. «Début 2023, Brenden a réussi avec brio l’examen pour chiens détecteurs de Neozoen Detection Dogs», déclare Tabea Haupt. La formation a duré un an. Depuis lors, Brenden est utilisé pour rechercher des scolytes. Il existe aussi des chiens formés dans la lutte contre d’autres ravageurs envahissants comme le capricorne asiatique, le scarabée japonais ou le capricorne asiatique des agrumes.

Une technique éprouvée à l’étranger

Tabea Haupt, active chez Pro Natura du canton d’Argovie et fortement engagée pour la protection de la nature, a fondé l’association de protection de la nature Hauptsach Natur. En cherchant un travail qu’elle pourrait accomplir avec ses chiens, l’idée lui est venue d’utiliser le flair sensible des animaux pour détecter les scolytes, une méthode qui a déjà fait ses preuves en Suède, en Allemagne et en Autriche. Le projet pilote suisse vise explicitement à détecter le stade précoce de l’infestation au moyen de phéromones. Les expériences de la jeune biologiste sont prometteuses.

«L’efficacité des six chiens formés aux phéromones de scolytes a été testée en salle dans le cadre d’une procédure complexe de test en double aveugle», explique Tabea Haupt. Elle ajoute que les chiens ont signalé correctement plus de 99 % des échantillons, les erreurs étant principalement dues à une mauvaise interprétation des maitres-chiens. Pour la présente étude, Tabea Haupt et son équipe ont collaboré avec la BFH-HAFL. Un étudiant en Sciences forestières a rédigé son travail de semestre puis son mémoire de bachelor sur les chiens détecteurs de scolytes, et effectué le suivi scientifique des entrainements en salle et des tests. 
 

Des résultats prometteurs

Un autre projet testera les chiens sur le terrain, en forêt, et fera intervenir des spécialistes en géodonnées, sciences forestières, cynologie et biochimie. Au début de l’été 2023, Brenden et ses collègues chiens détecteurs sont intervenus pour la première fois en Suisse orientale. Le succès a été total, les chiens ont trouvé des épicéas fraichement attaqués par des scolytes. Le test pratique a révélé que les chiens détectaient l’infestation très tôt, avant même que le garde forestier ne puisse en voir les symptômes.

Il est prévu qu’un-e étudiant-e de la BFH-HAFL en Sciences forestières effectue le suivi scientifique de la deuxième phase du projet. Cette étape est financée par des contributions de la loterie de Saint-Gall, par la fondation Umweltengagement et par des particuliers qui ont soutenu le crowdfunding de Hauptsach Natur. «L’approche avec les chiens est très prometteuse. Nous voulons maintenant savoir dans quelles conditions il est vraiment profitable pour les entreprises d’utiliser des chiens détecteurs de scolytes», conclut Tabea Haupt.