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«Voir par-delà les frontières»
13.08.2024 Le groupe Agriculture internationale fête ses 30 ans d’existence. La responsable Nancy Bourgeois nous offre une rétrospective et met en lumière le rôle de la Suisse.
Mme Bourgeois, vous êtes responsable du groupe Agriculture internationale (IL) à la BFH-HAFL. Vous avez déjà beaucoup voyagé dans le monde entier. Quel endroit avez-vous préféré ?
Tous les pays étaient fascinants, mais très différents. J’ai toutefois une relation particulière avec le Vietnam, où j’ai vécu et travaillé huit ans. Probablement parce que j’ai consacré beaucoup de temps et d’énergie à en apprendre la langue, ce qui m’a permis de m’immerger profondément dans la culture locale. Au Vietnam et au Laos, j’ai effectué plusieurs années de recherche sur le commerce transfrontalier de bétail et d’animaux sauvages, et son rôle dans la propagation de maladies.
Pourquoi sur ce sujet en particulier ?
La notion de frontière m’intrigue, peut-être parce que j’ai grandi dans une ferme à proximité immédiate de la frontière française. En été, les vaches laitières de mon oncle estivaient dans le Jura français, et jusqu’à mes 18 ans, j’ai participé presque chaque année à la montée à l’alpage à travers la frontière. À l’époque, je n’avais pas encore beaucoup voyagé, et cet évènement était pour moi comme une ouverture sur un nouveau monde.
Quels sont actuellement les principaux thèmes de recherche de l’unité IL ?
Nous couvrons des domaines variés. Nous mettons l’accent sur la production végétale, les systèmes de production animale, les filières socioéconomiques et la formation professionnelle. Ces dernières années, de nombreux étudiant-e-s ont effectué des recherches sur les systèmes agroforestiers, l’agriculture de conservation, les analyses de filières, et de plus en plus l’aquaculture.
En 30 ans, qu’est-ce qui a le plus changé dans le travail de recherche de l’unité IL ?
La concurrence est bien plus rude pour acquérir des projets à l’étranger, et nous devons diversifier le financement de notre recherche. Le personnel travaille toujours plus dans des contextes fragiles, y compris dans des zones de conflit, à l’interface entre l’aide au développement et l’aide humanitaire. La complexité des projets de recherche a augmenté elle aussi, tout comme l’ampleur et le rythme des défis mondiaux, et de nombreux acteurs de financement et de mise en œuvre sont impliqués. Les partenariats sont nécessaires, et il n’est pas toujours facile de garder une vue d’ensemble des thèmes complexes.
Y a-t-il des projets des années précédentes qui vous ont particulièrement marquée ?
Oui, à savoir l’évaluation de l’aide alimentaire sous forme de produits laitiers suisses, un programme anciennement mené par l’aide humanitaire suisse. Notre équipe s’est rendue dans des pays impliqués dans ce programme. Je suis allée au Soudan, dans un grand camp de réfugiés au Darfour. J’y ai vu ce que c’est d’être totalement dépendant de la bonne volonté et des ressources d’autrui pour survivre. L’extrême vulnérabilité des gens que j’ai rencontrés, surtout des femmes, des enfants et des nourrissons, m’a marquée.
Quels sont les plus grands défis auxquels l’unité IL est confrontée ?
Dans l’enseignement, l’un des grands défis est le petit nombre d’étudiant-e-s, en moyenne 10 par an, et les très fortes fluctuations d’une année à l’autre. Nous développons actuellement une stratégie pour augmenter et stabiliser ce chiffre. En outre, l’unité IL est confrontée à la question de la localisation, à l’instar des acteurs du Sud global, qui est à la fois une opportunité et un défi. Nous considérons notre rôle comme celui d’un partenaire de recherche, inscrit dans un processus de cocréation de connaissances, plutôt que de transfert de technologies, de connaissances ou de compétences.
Et quels sont les défis auxquels la Suisse est confrontée, que peut-elle accomplir dans ce monde global ?
Selon l’indice de mondialisation du KOF, la Suisse est le pays le plus mondialisé de la planète. Une raison que les étudiant-e-s IL citent souvent pour expliquer leur choix d’études est leur souhait de mieux comprendre les dimensions internationales de la production, du commerce et de la consommation de denrées agricoles. L’agriculture suisse a tout à gagner de cette ouverture d’esprit et cette curiosité. Les jeunes devraient aussi comprendre où la majorité des aliments sont produits et par qui, à savoir des petits agriculteurs des pays du Sud global.
Quels sont les atouts des études en agriculture internationale à la BFH-HAFL ?
C’est une filière unique en Suisse, et presque unique en Europe. Elle permet aux diplômé-e-s d’acquérir de solides connaissances théoriques et pratiques sur l’agriculture en Suisse et dans le Sud global. Au cours de leurs études et du stage à l’étranger, les étudiant-e-s ont en outre la possibilité de développer leurs compétences interculturelles. Les diplômé-e-s en agriculture internationale ont d’excellentes opportunités sur le marché du travail suisse. Ils et elles se distinguent non seulement par leurs compétences techniques, mais aussi par leurs soft skills, comme notamment la capacité à sortir de leur zone de confort.
L'article provient de : focusHAFL 1/24