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Aide sociale: changer de cap versus se résigner
10.03.2025 Les personnes qui bénéficient de l’aide sociale depuis longtemps se résignent sans espoir d’amélioration. Sous l’enseigne «Changement de cap», la BFH a testé une approche de conseil qui leur ouvre de nouvelles perspectives.
L’essentiel en bref
- Les personnes qui bénéficient de l’aide sociale depuis longtemps se résignent lorsqu’elles n’entrevoient aucune perspective d’amélioration de leur situation.
- La BFH a testé une nouvelle approche de conseil à l’intention des bénéficiaires de l’aide sociale.
- Au cœur de la démarche figurait une réflexion approfondie sur la situation propre à chaque individu.
- À l’issue de l’étude, les participant-e-s ont exprimé le sentiment de reprendre un peu le contrôle de leur vie.
Pourquoi la BFH a-t-elle mené le projet de recherche «Changement de cap»?
Plus la durée pendant laquelle une personne perçoit des prestations d’aide sociale est longue, plus ses chances de pouvoir subvenir à ses besoins par ses propres moyens s’amenuisent. La pauvreté qui en résulte pèse sur les invididus. Très souvent, l’absence de perspectives peut les amener à se résigner. De plus, la Suisse ne proposait aucune offre de soutien à même d’accompagner de manière ciblée les personnes qui font appel à l’aide sociale sur une longue période. L’objectif du projet de recherche consistait à développer une nouvelle approche à cet égard.
La nouvelle approche de conseil a renforcé le sentiment de compétence des bénéficiaires de l’aide sociale.
Comment l’équipe de recherche a-t-elle procédé?
Elle a utilisé les principes du «Design Sprint» pour développer l’approche permettant de mieux accompagner les bénéficiaires de l’aide sociale de longue date. La méthode de projet s’est concentrée sur les besoins des client-e-s et sur l’amélioration continue de leur situation. Les chercheurs et chercheuses ont baptisé leur démarche «Changement de cap». L’équipe l’a testée dans le cadre d’une expérience menée conjointement avec les services sociaux de trois villes et d’une commune.
Les bénéficiaires de l’aide sociale impliqué-e-s ont été divisé-e-s en deux groupes. Pendant trois à quatre mois, la moitié a bénéficié d’un accompagnement traditionnel, l’autre d’un conseil mené selon la nouvelle approche. À la fin, les chercheurs et chercheuses ont par exemple examiné comment chacun-e avait vécu l’évolution de ses propres compétences, de son bienêtre et de son rapport à l’aide sociale.
À quelles conclusions l’étude est-elle parvenue?
La nouvelle approche de conseil a amélioré le sentiment de compétence des bénéficiaires de l’aide sociale, ce qui s’est par exemple traduit par l’impression de contrôler davantage leur vie. Les participant-e-s se sont également senti‑e‑s moins épuisé-e-s.
La joie de vivre et le rapport à l’aide sociale ont évolué de manière similaire dans les deux groupes. Cela pourrait s’expliquer par le fait qu’aussi bien la joie de vivre que le rapport à l’aide sociale dépend de l’état de domaines essentiels de la vie – avoir un travail, par exemple – et que ceux-ci n’avaient pas changé à la fin de la consultation.
En résumé, cette nouvelle approche permet aux personnes de relever les défis de la vie et contribue à augmenter leur bienêtre.
En quoi le «Changement de cap» diverge-t-il d’une consultation conventionnelle?
En recourant au «Changement de cap», les bénéficiaires de l’aide sociale sont invité-e-s à élaborer des scénarios d’avenir pour différents domaines de la vie, comme le travail, la santé ou les relations. Cela leur permet de sonder en profondeur leur situation personnelle, de clarifier ce qui importe et ce qui mérite de changer et comment.
Ce travail s’effectue dans le cadre d’un processus plus intensif, impliquant un nombre de rendez-vous de conseil accru par rapport à un soutien conventionnel. Enfin, un-e autre spécialiste les accompagne tout au long du processus, ce qui crée une dynamique supplémentaire.
La Conférence suisse des institutions d’action sociale (CSIAS) a repris le flambeau du projet «Changement de cap».
Quels ont été les plus grands défis?
Certains services sociaux se sont retirés de la course avant le lancement du projet, ce qui a obligé l’équipe de recherche à partir en quête de nouvelles organisations. Un tiers des participant-e-s a interrompu l’intervention, dont la moitié après le premier entretien. Il se peut que l’étude n’ait pas satisfait leurs attentes ou que l’examen approfondi de leur propre situation ait suscité trop de craintes chez ces personnes.
Quelles sont les retombées du projet sur la société?
Avec la nouvelle approche de conseil, les services sociaux en Suisse disposent d’un instrument qui leur permet d’apporter un soutien approprié aux client-e-s de longue date. Si les personnes qui dépendent de l’aide sociale et qui vivent dans la pauvreté se portent mieux, c’est aussi toute la société qui en profite. Le «Changement de cap» illustre à merveille ce que signifie une société qui prend soin de ses membres (Caring Society).
Sur quoi débouche le «Changement de cap»?
La Conférence suisse des institutions d’action sociale (CSIAS) a repris le «Changement de cap» et l’a mis à la disposition des services sociaux sous la forme d’un manuel disponible en ligne contenant du matériel de travail. En outre, la CSIAS propose aux professionnel-le-s des formations continues sur l’approche de conseil.
Plus d’informations sur le projet et l’expert BFH qui l’a propulsé
Le projet «Changement de cap» a été soutenu financièrement par Innosuisse, l’agence suisse pour la promotion de l’innovation, et par la Conférence suisse des institutions d’action sociale.
Il a été mené sous la houlette de Simon Steger, coresponsable de la division des Systèmes sociaux et de la recherche au sein du département de Travail social.
Il se concentre sur l’efficacité et la mise en réseau des organisations sociales. Cela passe par des analyses lors de coopérations ou par l’examen des structures, des prestations et des effets des organisations sociales.