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L’IA peut-elle réduire les couts de santé?

20.11.2024 Depuis plusieurs années, les couts de santé ne cessent d’augmenter en Suisse. Les solutions sont complexes. L’IA peut-elle aussi apporter sa contribution? Différents projets sont en cours à la Haute école spécialisée bernoise pour étudier l’intégration de l’IA en médecine.

L’essentiel en bref

  • Avec ChatGPT, les modèles linguistiques et l’IA générative se sont également démocratisés auprès du grand public. Depuis, les modèles d’IA générative sont utilisés dans de nombreux domaines.
  • En résulte-t-il pour autant des gains d’efficacité, voire des économies dans le secteur de la santé?
  • Prof. Dr Kerstin Denecke nous dresse un panorama des projets en cours à la Haute école spécialisée bernoise, évoque ce qu’elle en attend et revient sur les développements qui l’inquiètent.

Quels sont les projets à base d’intelligence artificielle générative en cours à l’Institut for Patient-centered Digital Health?

Kerstin Denecke: dans le cadre d’un projet mené en coopération avec l’hôpital universitaire de Berne, nous assurons la qualité des rapports de résultats en radiologie. Pour ce projet, nous utilisons l’IA générative afin de vérifier si les rapports de résultats délivrés par les radiologues contiennent toutes les informations pertinentes. Ce projet a également permis de programmer un chatbot qui interagit avec les patient-e-s en amont du traitement, recueille des informations complémentaires, les prépare et répond aux questions sur l’examen à venir. Cela soulage la prise en charge et améliore la qualité du traitement. Dans d’autres projets, nous examinons comment l’IA générative peut soutenir la documentation clinique. Il s’agit d’établir des rapports de sortie à partir des informations sur le séjour hospitalier des patient-e-s ou d’extraire automatiquement les informations à signaler à partir des données disponibles, par exemple les informations à inscrire au registre des implants. Il est également possible d’évaluer les risques à partir des informations extraites. Dans l’un de nos projets, nous recourons à l’IA pour identifier les indicateurs d’un risque accru de contracter des infections nosocomiales. Ainsi, des vies pourront être sauvées.

Ces technologies sont-elles déjà utilisées?

Pour certains projets, les méthodes développées sont déjà testées par des médecins sélectionnés afin de recueillir des feedbacks sur l’utilisation et, surtout, sur la qualité. Comme toujours dans le cas de projets numériques, il est important que ces nouvelles technologies s’intègrent également à l’environnement informatique et aux processus existants. Ce processus peut parfois s’avérer plus long. La mise en œuvre des rapports de sortie générés par l’IA constituera probablement l’élément qui avancera le plus vite. Les hôpitaux sont sous pression pour fournir des solutions, car l’IA générative est à portée de main avec ChatGPT, notamment. Il convient d’éviter l’utilisation par les médecins de solutions non sécurisées en vertu de la loi sur la protection des données dans le cadre de la documentation clinique. Mais il est également important que les rapports générés soient vérifiés et validés par des expert-e-s spécialisé-e-s. Chaque rapport doit être examiné minutieusement, même si les rapports générés semblent corrects à première vue. Nous élaborons pour cela un outil d’assistance qui vérifie si toutes les informations pertinentes sont incluses et qu’aucune information supplémentaire superflue n’a été intégrée dans les rapports générés.

«Nous allons certainement faire de grands progrès ces prochaines années dans l’utilisation de l’IA en matière de tâches administratives.»

Kerstin Denecke
Kerstin Denecke
Kann KI die Gesundheitskosten senken?

Ces systèmes sont-ils largement répandus ou observe-t-on davantage de solutions propres à un hôpital spécifique?

Dans le cadre de nos projets, nous collaborons avec différents hôpitaux. Les entreprises impliquées dans ces projets sont toutefois intéressées par la mise à disposition des méthodes et systèmes développés dans leurs solutions logicielles. Par exemple, les méthodes de rédaction de rapports générés par l’IA peuvent être intégrées dans les systèmes d’information cliniques existants, ce qui permet ainsi une utilisation immédiate pendant le processus de documentation. 

Existe-t-il aussi des projets qui utilisent l’IA pour établir un diagnostic?

Je travaille avec une équipe de recherche du département de neurologie de l’hôpital universitaire sur des méthodes basées sur l’IA censées aider à diagnostiquer plus rapidement des troubles du sommeil complexes. À l’heure actuelle, seuls des systèmes de contrôle des symptômes sont disponibles sur l’internet et dans les applications. Ces systèmes se renseignent sur les symptômes et fournissent des diagnostics ou des recommandations probables quant à l’urgence de consulter un médecin. Des systèmes de soutien à la décision pour l’utilisation clinique ou la recherche en la matière existent depuis longtemps.

Qu’en est-il de la sécurité?

D’une part, il faut considérer la sécurité des données. Dans nos projets, les modèles linguistiques sont toujours gérés localement et nous ne travaillons en principe qu’avec des données anonymisées. Les hôpitaux avec lesquels nous travaillons sont amenés à réfléchir à la question de savoir s’ils misent sur des modèles linguistiques librement disponibles ou s’ils dépendent de fournisseurs commerciaux. Si l’on table sur les modèles linguistiques disponibles, les contenus de ces modèles doivent être examinés et remis en question de manière critique. Il convient d’éviter les erreurs d’algorithmes dues à des données erronées ou déformées.

D’autre part, il faut veiller à la sécurité des patient-e-s lorsque l’IA est utilisée dans le contexte de la médecine. Lorsqu’un outil d’IA suggère plusieurs décisions, celles-ci doivent être examinées de manière critique. Pour cela, le personnel médical, mais aussi les patient-e-s, auront besoin des compétences correspondantes à l’avenir. J’entrevois ici encore beaucoup de potentiel pour les activités de recherche. Comment est-ce que je peux, en qualité de patient-e, peser le pour et le contre vis-à-vis d’une proposition de diagnostic ou de thérapie provenant d’un outil d’IA? Quelles sont les compétences requises par les professionnel-le-s de santé pour gérer correctement les outils d’IA? Je m’inquiète des risques liés aux solutions basées sur l’IA que les patient-e-s utilisent en autonomie, c’est-à-dire sans contrôle médical. Actuellement, les nombreuses possibilités de l’IA générative remportent l’adhésion de tout le monde, mais personne ou presque ne parle des risques. Pour l’instant, nous ne connaissons pas encore les effets secondaires ni les interactions indésirables de ces outils basés sur l’IA destinés à une utilisation directe par les patient-e-s. Dans ce contexte, il est important que nous puissions, du côté de la recherche, accompagner étroitement les projets, étudier les risques et intégrer les contremesures correspondantes.

«En cas d’utilisation d’IA pour le diagnostic, je souhaite que nous usions de la prudence nécessaire.»

Kerstin Denecke
Kerstin Denecke

Que nous réserve l’avenir?

Nous allons certainement faire de grands progrès ces prochaines années dans l’utilisation de l’IA en matière de tâches administratives dans le secteur de la santé. J’entrevois ici un grand potentiel pouvant entrainer des gains d’efficacité. En cas d’utilisation pour le diagnostic et surtout la thérapie, je souhaite que nous usions de la prudence nécessaire. Et que nous ne perdions pas de vue la dimension humaine. Je pense qu’à l’avenir encore, les besoins individuels resteront mieux pris en compte dans le cadre d’un contact humain direct et que nous pourrons mieux y répondre par l’échange direct. Actuellement, le personnel de santé manque tout simplement de temps pour cela, mais peut-être pourra-t-on le trouver à l’avenir grâce à l’IA.

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