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L’interdisciplinarité, un adhésif hors pair
23.09.2019 Les grilles d’adhésifs les plus fines permettent d’obtenir de meilleurs résultats lorsqu’il s’agit de restaurer des oeuvres d’art. Ces dispositifs ont été développés en collaboration avec l’institut ALPS de la Haute école spécialisée et la Haute école des arts de Berne.
Imaginez que vous soyez en face d’un tableau historique. C’est un véritable patrimoine à lui tout seul et sa valeur est inestimable. Vous êtes maintenant confronté à une tâche délicate: recoller sa toile qui s’est détachée. Les profanes comme vous et moi se serviraient probablement d’un tube de Cementit ou même d’un pistolet à colle chaude, causant ainsi des dommages irrémédiables. Mona Konietzny et Karolina Soppa, elles, ont une méthode différente. Enseignantes et chercheuses à la Haute école des arts de Berne (HKB), elles sont spécialisées dans la conservation et la restauration de peintures et sculptures. Leur métier consiste en partie à trouver des solutions à des problèmes spécifiques apparaissant lorsqu’une oeuvre fait l’objet d’une restauration. Elles savent que la chaleur de la colle du pistolet peut endommager le tableau et déformer la couche de peinture, ou que les adhésifs liquides peuvent pénétrer fortement dans la toile, la raidir et donc la dégrader plus rapidement. Or, la restauration moderne de tableaux devrait affecter le moins possible l’état d’origine de ce dernier tout en durant au moins cinquante ans. Dans la mesure du possible, le matériau utilisé doit aussi être entièrement amovible.
Intérêt mondial pour les grilles d’adhésifs
La solution? Les grilles d’adhésifs. Sollicitée par les deux restauratrices, APM Technica SA a conçu un moule pour une grille fine de 0,3 mm. Spécialisée dans les adhésifs, l’entreprise saint-galloise fabrique les grilles à partir de trois colles distinctes, résistantes au vieillissement et présentant différentes caractéristiques de solubilité.
Les deux restauratrices de la HKB disposent ainsi d’un produit nettement plus performant que les techniques conventionnelles de collage liquide. Ces grilles d’adhésifs innovantes suscitent d’ores et déjà un intérêt manifeste durant les conférences spécialisées organisées dans le monde entier. Le problème du collage se pose non seulement dans la restauration des tableaux, mais aussi dans les domaines du papier, du textile et d’autres matériaux tels que le bois. La demande est telle qu’APM Technica SA s’est fixé comme objectif de produire ses grilles d’adhésifs à l’échelle industrielle.
Les structures quadratiques ont toutefois un inconvénient. Les toiles des tableaux anciens présentent souvent des structures allongées, voire carrées. De ce fait, la colle ne peut plus être répartie uniformément. Patrick Schwaller ne manque pas une miette des propos de Mona Konietzny qui décrit le problème lors d’un diner interdisciplinaire rassemblant des membres de Haute école des arts et de l’institut ALPS de la Haute école spécialisée bernoise BFH. Le professeur de physique de surfaces dirige l’Institute for Applied Laser, Photonics and Surface Technologies ALPS (département Technique et Informatique). Schwaller et ses collègues sont habitués au travail interdisciplinaire: leurs partenaires viennent d’horizons aussi différents que la construction mécanique classique, l’horlogerie ou encore la technique médicale.
Interview
Mona Konietzny est assistante senior en conservation et restauration à la Haute école des arts de Berne. Entretien sur
l’authenticité et la restauration numérique.
Sur un tableau comme la Joconde, vieux de plus de 500 ans, reste-t-il encore des composants d’origine?
Mona Konietzny: Il reste certainement des composants d’origine, mais pour le visiteur qui regarde une fois l’oeuvre, ce n’est pas évident de distinguer ce qui est original.
Beaucoup de ces oeuvres d’art anciennes sont fortement endommagées et ont fait l’objet de remaniements ou du moins de restaurations au sein de musées, pour offrir aux visiteurs une image homogène. C’est un peu différent quand il s’agit de la restauration de sculptures où on accepte désormais qu’il manque certaines parties. Les toiles, où il ne reste que quelques morceaux, sont en revanche encore presque invisibles. Ici, nous travaillons à valoriser l’original de façon à pouvoir également considérer un état endommagé comme digne d’être préservé et agréable sur le plan esthétique. C’est beaucoup
plus authentique.