Devrons-nous bientôt tou-te-s payer pour nous rendre en forêt?

21.03.2025 Nous utilisons souvent la forêt sans penser qu’elle appartient à quelqu’un et que son entretien coute cher. Aujourd’hui, à l’occasion de la Journée internationale des forêts, consacrée cette année au thème «Forêts et alimentation», nous examinons comment l’exploitation durable des forêts peut être financée.

L'essentiel en bref

  • Coûts élevés pour la conservation des forêts - L'entretien des chemins forestiers, de la sécurité et des infrastructures entraîne des coûts élevés qui ne sont plus couverts par les ventes de bois ou les subventions de l'État.

  • Nouveaux modèles de financement - Différentes approches telles que les taxes pour certaines utilisations, les contributions volontaires, le sponsoring, les prélèvements obligatoires et le soutien de l'État sont déjà testées.

  • Perspectives d'avenir - Une solution à long terme nécessite un cadre légal clair et des approches participatives afin de financer durablement les usages récréatifs.

Les forêts suisses offrent à la population une variété impressionnante de possibilités pour ses loisirs. Sentiers de randonnée, aires de piquenique ou groupes de jeux en forêt se situent dans l’environnement naturel, souvent sans que personne ne se soucie de savoir qui s’occupe de l’entretien, de la sécurité et de la maintenance des infrastructures. Les chemins doivent être remis en état, les arbres dangereux abattus et les infrastructures, telles que les bancs ou les places de gril, entretenues. Ces travaux entrainent des couts élevés que les ventes de bois et les subsides de l’État ne parviennent plus à couvrir, déjà depuis les années 1980. Résultat: de nombreuses exploitations forestières enregistrent des pertes financières dans ce domaine. Néanmoins, il existe déjà des modèles de financement fructueux qui montrent que les propriétaires forestiers, souvent des communes, peuvent générer des revenus.

Au printemps, la forêt est un but de promenade incontournable. Mais personne ou presque ne se soucie de savoir qui y assure la sécurité et l’entretien (photo : Adobe Stock).
Au printemps, la forêt est un but de promenade incontournable. Mais personne ou presque ne se soucie de savoir qui y assure la sécurité et l’entretien (photo : Adobe Stock).

La forêt: un «bien commun» et un défi

Selon l’article 699 du Code civil suisse, on peut en principe fouler librement le sol des forêts. Les prestations récréatives sont ainsi souvent considérées comme un «bien public» pour lequel personne n’a à payer directement. Cependant, mettre ce bien à disposition occasionne des couts élevés pour les propriétaires forestiers. À l’avenir, avec l’augmentation de la population et sa demande accrue de nature, ce phénomène va encore s’accentuer. Pour y remédier, l’idée consiste à mieux identifier les prestataires et les sources de financement potentielles, et à établir des modèles équitables de couverture des couts. «En plus de sources innovantes de financement des prestations récréatives, nous avons besoin d’un cadre légal pour ce financement, notamment dans les zones forestières proches des villes», explique Jerylee Wilkes-Allemann, chercheuse à la BFH-HAFL et professeure en politique forestière et environnementale.

La fonction de détente de la forêt est importante pour de nombreuses personnes. Mais comment quantifier cette fonction et comment la financer? La question reste ouverte. (photo : Adobe Stock).
La fonction de détente de la forêt est importante pour de nombreuses personnes. Mais comment quantifier cette fonction et comment la financer? La question reste ouverte. (photo : Adobe Stock).

Des modèles de financement fructueux

Quelques cantons et communes ont déjà introduit différents modèles de financement qui ont dorénavant fait leurs preuves:

  • Taxes et compensations: certaines utilisations récréatives qui sortent du cadre du droit d’accès habituel sont payantes. La Bourgeoisie de Berne prélève par exemple une taxe pour les évènements commerciaux en forêt ou l’exploitation d’un parc accrobranche.
  • Contributions volontaires: certaines communes misent sur les dons. Berne a ainsi instauré une «vignette forestière» qui permet aux personnes qui se rendent en forêt de contribuer volontairement au financement de l’entretien des forêts.
  • Sponsoring: des entreprises s’engagent en apportant un soutien financier à certains projets. À Baden, des entreprises parrainent l’entretien de la forêt par le biais de programmes d’écosponsoring.
  • Contributions obligatoires: le canton de Soleure a créé le «Waldfünfliber», un fonds auquel chaque commune contribue à hauteur de cinq francs par habitant-e. L’argent est ensuite distribué aux propriétaires forestiers pour l’entretien des forêts accessibles au public.

Partenariats avec les pouvoirs publics: dans le canton de Fribourg, les propriétaires de forêts reçoivent des subventions directes pour financer leurs prestations de loisirs et de détente.

Et ensuite?

L’expérience acquise jusqu’à présent montre qu’il est possible de financer la fonction récréative de la forêt, à condition de créer un cadre clair. De nombreuses exploitations forestières sont conscientes qu’elles pourraient ainsi augmenter leurs recettes dans ce domaine, mais les conventions contraignantes font souvent défaut. Il est nécessaire de mener une discussion ouverte sur les modèles qui ont fait leurs preuves depuis un certain temps et sur la manière de les appliquer à plus grande échelle. Cela permettrait de garantir que la forêt suisse reste un lieu de détente, sans que les propriétaires forestiers doivent en supporter le cout. «Il faut aussi des approches participatives, par exemple pour recenser et monitorer la qualité des prestations récréatives», ajoute Jerylee Wilkes-Allemann. Ce sujet fait actuellement l’objet d’un projet de recherche de la BFH-HAFL.

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Domaine: Agronomie + forêt