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Production d’énergie solaire sur des terres agricoles
12.09.2024 Les terres agricoles pourraient bientôt jouer un rôle clé dans la transition énergétique. Avec le forum AgriSolar, son nouveau centre de compétence, la Haute école spécialisée bernoise étudie la coexistence de la production d’électricité solaire et de l’agriculture.
Texte: Mike Sommer
Photos: Bioschmid/D. Eppenberger
Si tous les toits de bâtiments appropriés en Suisse étaient utilisés pour produire de l’énergie photovoltaïque (PV), la transition énergétique serait déjà achevée. Mais Christof Bucher, professeur de systèmes photovoltaïques au département Technique et informatique de la BFH (BFH-TI), reste réaliste: «Tous les toits ne seront pas équipés à temps pour atteindre l’objectif de la décarbonation à l’horizon 2050. C’est pourquoi nous devons également produire de l’électricité solaire sur d’autres sites.» Les parcs solaires alpins, capables de fournir de grandes quantités d’énergie en hiver, saison où elle est soumise à une forte demande, pourraient constituer une alternative, mais ils se heurtent souvent à une vive opposition du fait de leur impact sur le paysage. Leur construction dans des régions isolées et leur raccordement au réseau sont en outre couteux.
L’agrivoltaïsme doit favoriser la production agricole
La situation est très différente en ce qui concerne la construction de parcs solaires en dehors des zones à bâtir du Plateau. La coexistence de l’agriculture et de la production d’électricité sur la même surface, appelée agrivoltaïsme, recèle un fort potentiel. Concrètement, on aurait des cultures ou des vaches au sol, tandis qu’à «l’étage supérieur», des panneaux solaires capteraient la lumière du soleil et la transformeraient en électricité. Christof Bucher estime que ce concept a des avantages: «De nombreuses exploitations agricoles innovantes sont ouvertes aux nouvelles technologies. Elles sont en mesure de mettre en place des installations agrivoltaïques rapidement et à un cout relativement faible.» Les questions politiques et juridiques encore en suspens suscitent toutefois des réticences, notamment liées à la crainte que des sols fertiles soient détournés de la production alimentaire au profit de la production lucrative de courant vert. Selon la loi sur l’aménagement du territoire, les installations solaires ne peuvent être autorisées sur des terres arables que si elles présentent des avantages pour la production agricole. Or on manque à l’heure actuelle de recul pour évaluer cette valeur ajoutée de manière fiable.
Deux départements de la BFH unissent leurs compétences
Des installations expérimentales et de la recherche sont nécessaires pour que cela change. La BFH entend contribuer à combler les lacunes dans les connaissances et aider l’agrivoltaïsme à percer. C’est dans ce but qu’elle a créé le forum AgriSolar. Ce centre de compétence pour la recherche sur les installations agrivoltaïques réunit des spécialistes des départements Technique et informatique de la BFH et de la Haute école des sciences agronomiques, forestières et alimentaires. Un seul et même prestataire traite ainsi les questions spécifiques au photovoltaïque et à l’agroécologie avec l’expertise nécessaire.
Les avantages d’une installation photovoltaïque pour la production agricole peuvent être manifestes, par exemple lorsque les panneaux protègent un champ de salades de la grêle. La protection contre le rayonnement solaire intense et la chaleur excessive peut également être bénéfique pour certaines cultures comme les légumes, les fruits ou les baies. Mais il se pourrait aussi que les panneaux réduisent le rayonnement thermique du sol pendant les nuits de printemps froides et évitent ainsi les dégâts dus au gel. Seuls des essais sur le terrain permettront de déterminer dans quelles conditions une installation agrivoltaïque est avantageuse pour telle ou telle culture, améliore ses rendements ou réduit ses besoins en produits phytosanitaires. Selon Christof Bucher, les spécificités locales de la Suisse constituent un défi: «Chaque région a ses propres sols, un climat particulier et des cultures typiques. Nous ne pouvons donc tirer que des conclusions limitées de l’expérience d’autres pays.»
Un essai à grande échelle dans un champ de framboises
La plus grande installation agrivoltaïque de Suisse a récemment été mise en service à Gelfingen (LU). Dans un champ de framboises existant, Bioschmid GmbH entend découvrir dans quelle mesure la protection contre les intempéries et l’ombre apportées par les panneaux solaires améliorent le rendement et la qualité des récoltes. L’entreprise espère en outre tirer des revenus supplémentaires de la production d’électricité. La BFH et le centre de recherche Agroscope accompagnent scientifiquement ce projet cofinancé par l’Office fédéral de l’énergie, le Fonds de loterie et des fondations. Il doit permettre de déterminer l’installation agrivoltaïque la plus probante en fonction de trois critères: la quantité d’électricité produite, les couts d’investissement et d’exploitation ainsi que la pousse des framboises. Trois secteurs de la parcelle ont pour cela été équipés de systèmes photovoltaïques différents. Sur le premier, les modules sont fixés verticalement aux poteaux entre lesquels sont tendus les fils de fer qui stabilisent les framboisiers. Les deux autres systèmes sont montés sur une structure métallique au-dessus des plantes. L’un permet d’incliner les panneaux en fonction de la position du soleil grâce à une commande et un moteur, pour optimiser la production d’électricité et réguler l’ombrage. Tous les modules photovoltaïques disposent de cellules solaires qui captent la lumière du soleil des deux côtés et absorbent donc aussi la lumière réfléchie.
Christof Bucher, qui dirige le laboratoire des systèmes photovoltaïques de la BFH-TI, espère que le projet sera riche en enseignements: «De nombreuses questions spécifiques au système se posent malgré l’utilisation de panneaux photovoltaïques ordinaires. Pour y répondre, nous recueillerons des données sur les modules, les onduleurs et les conditions environnementales tout au long des trois années du projet. Pour cela, nous utilisons également des optimiseurs, qui mesurent le rendement énergétique de chaque module et enregistrent les variations de la lumière réfléchie à l’arrière des panneaux du fait de la végétation irrégulière dans le champ de framboises. L’analyse des données doit montrer lequel des trois systèmes donne les meilleurs résultats.
Christof Bucher estime que «l’agrivoltaïsme a de l’avenir». Selon lui, la combinaison de la production agricole et de la production d’électricité s’imposera rapidement, surtout là où les cultures ont besoin d’être protégées des intempéries. Le forum AgriSolar de la BFH entend accompagner étroitement ce développement.