Les forêts, des réservoirs d’eau

18.07.2024 Les glissements de terrain se multiplient. Des expériences d’irrigation montrent la capacité des forêts à stocker de l’eau et mettent en évidence les facteurs qui réduisent cette capacité.

40 % des forêts suisses sont des forêts de protection. (Photo: Raphael Schwitter)
40 % des forêts suisses sont des forêts de protection. (Photo: Raphael Schwitter)


Les forêts font office de grands réservoirs d’eau de pluie, mais l’efficacité de leur fonction de stockage dépend principalement de leur état. Cette efficacité est capitale pour les forêts de protection, qui représentent près de 40 % de la surface forestière suisse. Les forêts de protection aident à empêcher ou à réduire les dangers naturels comme les avalanches, les chutes de pierres, les glissements de terrain ou l’érosion. C’est ainsi qu’elles protègent les habitations et les routes.

L’effet hydrologique d’une forêt, autrement dit sa capacité à retenir l’eau, influence directement son effet protecteur contre les inondations et les glissements de terrain. Il dépend de plusieurs facteurs : le type de sol, l’occupation du sol par le système racinaire, la composition en essences, la structure de la végétation du sous-étage et la présence de litière au sol. Toutefois, des perturbations comme une coupe de bois intensive ou une population de gibier en surnombre peuvent diminuer cet effet. Un fort abroutissement par des ongulés sauvages comme le cerf, le chevreuil et le chamois peut notamment influencer négativement la formation d’humus, la croissance des arbres et la composition en essences. Ces perturbations, combinées à d’autres comme les feux de forêt ou les attaques de scolytes, réduisent à long terme l’effet protecteur d’une forêt. 

Plus il y a de gibier, plus les eaux s’écoulent

Pour déterminer l’effet hydrologique d’une forêt, on peut l’irriguer artificiellement. Ensuite, on recueillit et mesure l’eau qui s’écoule de la pente. Ces projets sont très exigeants, explique Massimiliano Schwarz, enseignant en pédologie forestière et en ingénierie écologique à la BFH-HAFL. « Pour mesurer l’influence de l’abroutissement par le gibier sur le stockage de l’eau, nous avons clôturé une partie de la forêt pour l’étudier et la comparer au reste », poursuit-il. Les chercheurs et chercheuses ont ainsi pu partir du principe qu’à l’intérieur de ces zones clôturées, l’influence des ongulés est nulle. Les résultats montrent que moins d’eau s’écoule de ces zones : le sol forestier peut mieux y retenir l’eau.

Dans la forêt de protection de Lavina à Mesocco, dans le canton des Grisons, « la forte population d’animaux sauvages renforce l’écoulement des eaux, ce qui augmente à son tour le risque de glissements de terrain et de laves torrentielles », résume Massimiliano Schwarz. Il s’agit de l’une des principales conclusions de l’étude sur l’évaluation monétaire des problèmes de rajeunissement dus aux ongulés sauvages dans les forêts de protection, réalisée en 2023 par deux bureaux régionaux d’ingénieurs forestiers et le domaine Sciences forestières de la BFH-HAFL, sur mandat de l’Office des forêts et des dangers naturels du canton des Grisons. Dans ce cas toutefois, il s’est avéré que les couts des mesures de prévention contre les dégâts dus au gibier, comme les clôtures, les reboisements ou la protection de certains arbres, étaient sensiblement plus élevés que les couts liés au risque croissant de glissements de terrain et de laves torrentielles, déclare Massimiliano Schwarz. D’où sa conclusion, « si la pression du gibier reste aussi élevée, le risque de glissements de terrain augmentera à l’avenir. »

La forte population d’animaux sauvages renforce l’écoulement des eaux, ce qui augmente à son tour le risque de glissements de terrain et de laves torrentielles.

Massimiliano Schwarz enseignant en pédologie forestière et en ingénierie écologique

Conséquences financières

« L’étude de cas sur la forêt de protection de Lavina illustre l’impact sur la forêt de la population actuelle de gibier », explique Marco Vanoni, responsable du secteur Forêt de protection et écologie forestière auprès de l’Office des forêts et des dangers naturels du canton des Grisons. L’étude a permis de fournir des recommandations concrètes pour des mesures de protection comme des filets et des digues, qui aident à mieux évaluer les conséquences financières. Les résultats sont mis à disposition des propriétaires forestiers et du public.
 

L'article provient de : focusHAFL 1/24

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Auteure

Domaine: Agronomie + forêt