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La construction numérique commence dans la tête
03.10.2023 La construction numérique consiste à penser différemment. Les problèmes ne se résolvent pas de manière réactive et au dernier moment sur le chantier, mais de manière proactive sur la maquette numérique. Le plan en six points d’Adrian Wildenauer, professeur à la BFH, contribue au changement de mentalité.
La construction numérique, qui repose généralement sur la modélisation des informations du bâtiment (BIM), remet en question de nombreux processus éprouvés du secteur de la construction. En effet, la construction numérique se fait d’abord dans la tête et sur l’ordinateur, par la création d’un modèle virtuel du projet.
Cette représentation 3D très détaillée de la future construction permet de prendre de nombreuses décisions et de prévenir d’éventuels problèmes en amont du chantier. Les adeptes de cette approche numérique de la construction sont animés par les avantages qu’elle doit procurer : gains d’efficacité et de qualité, réduction des erreurs de construction et logistique fortement simplifiée dans la construction.
Repenser avant de reconstruire
Toutefois, le chemin de la construction analogique à la construction numérique est sinueux. Adrian Wildenauer, professeur à la BFH, le sait par expérience. Ingénieur civil, il connait toutes les facettes du secteur de la construction, des fers d’armature à la modélisation BIM.
Sur mandat des CFF, il a développé un plan en six points applicable à l’ensemble de la branche, qui doit servir de base pour faire passer à la construction le cap de l’analogique au numérique. Selon lui, il est essentiel que tous les acteurs de la construction soient impliqués et travaillent main dans la main pour faire avancer le secteur.
1 Fixer l’objectif et la feuille de route
En matière de construction numérique, les fondements, les feuilles de route, les modèles et l’objectif sont à disposition de l’ensemble des participant‑e‑s dès le début du projet. Les entreprises de construction, fournisseurs, architectes et maitres d’ouvrage peuvent ainsi se concerter et éliminer les conflits et sources d’erreurs potentiels avant même le premier coup de pioche. « Nous devons impliquer tous les acteurs de la chaine de création de valeur le plus tôt possible », souligne Adrian Wildenauer.
2 Communiquer par le langage
Pour qu’un projet de construction numérique aboutisse, tout le monde doit parler le même langage. Pour y parvenir, le secteur mise de manière renforcée sur des normes en vigueur. De la terminologie de la construction numérique aux échanges avec les associations et les fédérations du secteur en passant par les normes de la Société suisse des ingénieurs et des architectes (sia) ou du centre de compétences des standards pour la construction et l’immobilier (CRB), il faut une communication claire. Elle est essentielle, en particulier pendant les premières étapes d’un projet. Un instrument utile dans cette optique est le glossaire national sur la numérisation dans l’industrie de la construction et de l’immobilier : élaboré conjointement par divers acteurs du secteur, il propose des définitions communes.
3 Communiquer avec un modèle de données
Une communication claire est essentielle non seulement pour les personnes, mais aussi pour les systèmes impliqués. Étant donné que la construction numérique repose sur un modèle virtuel du projet de construction, élaborer de concert un modèle de données consolidé pour les constructions permettant un échange facile d’informations – du planificateur au contremaitre – est capital. « Le partage des données est notre nouveau langage commun, nous devons l’apprendre », explique Adrian Wildenauer.
4 Réutiliser les éléments de construction
L’un des avantages de la construction numérique est qu’elle évite que l’on ait à réinventer la roue à chaque projet, étant donné que de nombreux éléments de construction se retrouvent dans chaque projet. Au lieu de les concevoir, de les dimensionner et de les contrôler de A à Z chaque fois, comme c’est le cas actuellement, on utilise simplement des éléments standardisés. Par exemple, avant de construire une porte, on réalise une image numérique standardisée de celle-ci, qui comprend tous les attributs nécessaires, du choix des matériaux aux bandes d’étanchéité en passant par la taille des cylindres, la largeur et la hauteur des vantaux de porte. Les éléments de construction standardisés permettent ainsi aux entreprises d’économiser le temps généralement investi dans la conception tout en limitant les erreurs. Pour que cela fonctionne, les entreprises doivent pouvoir accéder facilement à une collection de tels éléments de construction numériques.
Le partage des données est notre nouveau langage commun, nous devons l’apprendre.
5 Acquérir de l’expérience
La transmission du savoir dans le secteur de la construction se fait encore souvent de manière très traditionnelle, sur le terrain, du maitre à l’apprenti. Dans la construction numérique, ces connaissances, aujourd’hui intangibles ou non documentées, peuvent être systématiquement collectées sur le chantier et utilisées pour la formation. Par ailleurs, les expériences en matière de construction numérique proprement dite peuvent être recensées et la pertinence des outils et des processus numériques testée. Adrian Wildenauer en est convaincu : si la gestion numérique de la construction conduit à une meilleure transmission des connaissances, le secteur est sur la bonne voie. Et d’ajouter : « La clé du succès commun réside dans le partage des connaissances. »
6 Transmettre les fondements des commandes
Dans la construction numérique, de nombreux processus aboutissent à une commande, c’est-à-dire à la réservation d’un service ou à l’achat de matériaux. La construction numérique présente un avantage majeur à cet égard : les données nécessaires aux commandes sont saisies à un stade très avancé dans le modèle virtuel du projet. Mais pour que les choses bougent sur le terrain, toutes les personnes impliquées doivent savoir comment consulter et utiliser les données de commande enregistrées dans le système. Il convient dès lors de former adéquatement les employé-e-s et de leur fournir une documentation appropriée.
La clé du succès commun réside dans le partage des connaissances.
La pratique le montre : la construction numérique suppose une étroite collaboration numérique. Les systèmes et l’infrastructure informatiques sont importants, mais seulement lorsque les architectes, les ingénieur‑e‑s civil‑e‑s et les entreprises partenaires sont disposé‑e‑s à collaborer au-delà des limites de leur domaine de compétence. En effet, la construction numérique ne commence pas sur l’écran mais dans la tête des professionnels.