Des solutions en faveur des patient-e-s qui font leurs preuves

«Les réactions ont été spectaculaires», se souvient Serge Bignens. «Nous avons reçu de nombreux messages, des félicitations et des demandes de coopération. Cela montre que le nouvel institut répond à un réel besoin.» Avec Kerstin Denecke, il dirige l’institut BFH pour la santé numérique centrée sur les patient-e-s, fondé début novembre 2023. L’orientation thématique de l’Institut d’informatique médicale I4MI, qu’il dirigeait auparavant, demeure très large. «Avec ce nouvel institut, nous plaçons les patient-e-s au centre de nos préoccupations. En collaboration avec des partenaires de l’industrie et des soins de santé, nous souhaitons développer des solutions dont les patient-e-s pourront bénéficier dans la gestion de leur santé», ajoute Serge Bignens. «Le nouvel institut vise à apporter des améliorations concrètes au système de santé suisse», précise Kerstin Denecke. «Nous élaborons des solutions destinées à la pratique et voulons veiller à ce qu’elles soient utilisées de manière durable.»

Aide aux personnes suicidaires

Deux projets du jeune institut illustrent concrètement cette démarche. Le premier concerne les personnes suicidaires. Chaque année, plus de 700 000 personnes se donnent la mort dans le monde. Afin de diminuer le nombre de suicides et de tentatives de suicide, Luzerner Psychiatrie AG a lancé le projet SERO (abréviation de «Suizidprävention Einheitlich Regional Organisiert») en collaboration avec Promotion Santé Suisse et d’autres partenaires. Le cœur du projet est une application développée par la BFH qui permet aux personnes de mieux gérer leurs pensées suicidaires. Une partie de l’application consiste en la mise en œuvre numérique d’un outil d’autoévaluation qui aide les personnes concernées à mesurer leur tendance suicidaire et à identifier les situations dans lesquelles elles sont particulièrement vulnérables. À cela s’ajoute un plan de sécurité pour y faire face: quelles pensées m’aident dans de tels cas? Une promenade en forêt a-t-elle une influence positive? L’application génère une image du risque de comportement suicidaire momentané qui peut, si nécessaire, être envoyée facilement et directement à des personnes de confiance ou à des spécialistes en milieu thérapeutique.

«Pour concevoir l’application, nous avons organisé plusieurs ateliers avec des personnes concernées, des proches et des professionnel-le-s. Cela nous a permis de clarifier très précisément les besoins et les attentes envers l’application», explique la coresponsable de l’institut Kerstin Denecke. Le projet se poursuit jusqu’à fin 2024. Une deuxième version révisée de l’application a été générée fin 2023. Pour la BFH, il s’agit à présent avant tout de clarifier l’utilité concrète de l’application et d’identifier les éventuels effets défavorables et risques induits.

La protection des données fait partie des défis que doivent relever des projets de ce type. Cette problématique est exacerbée par l’utilisation croissante des données des patient-e-s et leur collecte dans les solutions de santé numériques. «Dans tous nos projets, nous mettons l’accent sur le développement de technologies sécurisées», explique Serge Bignens.

Instaurer des «PROMs» dans toute la Suisse

Il en va de même pour le deuxième projet: pour mesurer et améliorer la qualité des soins de santé, on utilise de plus en plus souvent des Patient Reported Outcome Measures (PROMs). Il s’agit en général de questionnaires que les patient-e-s remplissent à domicile ou avec l’aide d’un-e professionnel-le de la santé. Les PROMs constituent un complément aux valeurs cliniques. Ces mesures encouragent les traitements orientés patient-e-s et la communication entre les patient-e-s et le corps médical. Aussi bien la «Stratégie du Conseil fédéral en matière de politique de la santé 2020-2030» que les «Objectifs du Conseil fédéral en matière de développement de la qualité pour les années 2022-2024» réclament l’établissement de tels PROMs à l’échelle suisse. C’est ce qui a poussé la Commission fédérale de la qualité (CFQ) à lancer un projet pilote. Un consortium comprenant entre autres le groupe Insel et le nouvel institut de la BFH a remporté l’appel d’offres pour sa réalisation à l’aide de la plateforme OpenPROMS.

Dans le cadre de ce projet pilote, l’équipe de recherche de la BFH examine l’acceptation d’une enquête PROMs standard, validée au niveau international, auprès de 2000 patient-e-s atteint-e-s d’une maladie cardiovasculaire ou d’un cancer dans les trois régions linguistiques de Suisse. Les patient-e-s répondent au moins quatre fois à un questionnaire sur une période d’au moins six mois. On les interroge alors sur leur état de santé et sur les effets de leur traitement. Pour la collecte des données, l’équipe de recherche a développé une application ad hoc basée sur internet. Celle-ci s’appuie sur la plateforme de données de santé de la coopérative MIDATA, codéveloppée par le coresponsable de l’institut Serge Bignens et permettant de stocker les données de santé en toute sécurité et dans le respect de la loi sur la protection des données.

«Plus efficace et moins couteux»

«De tels questionnaires et les données qu’ils permettent de collecter se révèlent d’une utilité concrète pour les patient-e-s», explique Serge Bignens. «Ils peuvent comparer leur processus de guérison avec celui d’autres personnes et voir s’ils sont sur la bonne voie. Cela leur permet de mettre les choses en perspective.» De leur côté, les hôpitaux ont ainsi un contrôle sur la qualité de leurs traitements. Quatre prestataires de soins participent déjà aux enquêtes PROMs. Deux autres ont confirmé leur participation et quatre autres ont manifesté un intérêt. «En matière de soins médicaux, le système de santé suisse est à la pointe», constate Serge Bignens. «En revanche, pour ce qui est du contrôle de qualité et de l’efficacité, nous sommes à la traine à l’échelle internationale.» Il serait donc souhaitable d’utiliser de tels PROMs sur tout le territoire suisse, estime-t-il. «Cela rendrait notre système de santé plus efficace et moins couteux.»

«Plusieurs départements de la BFH participent à de nombreux projets du nouvel institut», précise, Kerstin Denecke. «Nous veillons à ce que les collaboratrices et collaborateurs scientifiques restent chez nous à long terme. Les personnes impliquées peuvent ainsi s’assurer que les projets font durablement leurs preuves dans la pratique.»

Auteur: Peter Bader, textatelier.ch