Jennifer Adam – «La routine me lasse vite»

Madame Adam, aviez-vous, étant jeune, un métier que vous rêviez d’exercer?

Oui, je voulais être archéologue. À Villach, ville autrichienne où j’ai grandi, se déroulaient de nombreuses fouilles archéologiques qui me fascinaient, ne serait-ce qu’en raison de leur caractère extraordinaire. À cela s’ajoute que mon père est égyptien, ce qui a certainement contribué à nourrir mon intérêt pour ce domaine.

Pourquoi ne pas avoir choisi cette voie?

J’ai toujours une grande curiosité pour ce sujet. Mais mon intérêt s’est évidemment aussi porté sur d’autres domaines professionnels, qui avaient en outre l’avantage de présenter des perspectives de carrière un peu meilleures (rires). J’ai finalement décidé de faire un apprentissage d’assistante en hôtellerie et restauration. J’ai également préparé ma maturité en cours d’emploi, le soir, car je souhaitais élargir mon horizon professionnel. À ce moment-là, j’avais déjà l’intention de suivre des études. Bien que ce fut parfois difficile, cela en a valu la peine !

Vous vivez désormais à Bienne, comme votre père. Et vous étudiez l’ingénierie de gestion à la BFH. Quelle a été votre motivation?

La technique me fascine, certes, mais de nombreux autres domaines aussi. C’est pourquoi un cursus purement technique était exclu. Je voulais étudier à l’interface entre la technique et la gestion d’entreprise. La filière d’ingénierie de gestion fait la part belle à la fois à la technique, à l’informatique et à la gestion. Mon orientation, Business Engineering, est axée sur la numérisation. Je me suis rendu compte que j’avais besoin de changement et de perspectives: j’aime être créative et la routine me lasse vite. Une chose est certaine: plus tard, j’aimerais avoir quelque chose qui m’appartienne en propre.

Par exemple, la plateforme en ligne «Modest Fashion»…

Exactement. Je consacrerai vraisemblablement mon mémoire de bachelor à son développement. Les femmes, en particulier, doivent pouvoir y trouver des habits qui dévoilent un peu moins de peau. En tant que musulmane pratiquante et fière de l’être, cette question me touche évidemment beaucoup. Mais cette plateforme va bien au-delà de la dimension religieuse des vêtements.

Pourquoi une telle plateforme présente-t-elle un potentiel entrepreneurial?

Dans le cadre d’un module à la BFH, j’ai effectué une analyse de marché et parlé à des clientes et des commerçant-e-s potentiels. L’analyse de marché a révélé qu’il existait un besoin croissant de vêtements modestes. L’offre et la demande existent, mais il n’y a pas encore de lien «stable» entre les deux. En effet, chercher de tels vêtements demande aujourd’hui un effort considérable. Mon objectif est de réunir sur ma plateforme différents commerçants afin de faciliter grandement cette recherche. Être l’intermédiaire entre les clientes et les commerçant-e-s peut fonctionner; il existe d’ailleurs déjà quelques exemples pour le prouver.

Quelles sont les principales difficultés rencontrées lors du développement de cette plateforme?

Ce qu’il faut en premier lieu, c’est une bonne stratégie marketing pour attirer un maximum de clientes sur la plateforme. Je dois en outre m’associer à des techniciens en mesure de concevoir un site attrayant et convivial. Et bien sûr, il s’agit de convaincre un grand nombre de commerçants et de conclure des contrats avec eux. Lorsqu’on peut justifier d’une forte demande, cette recherche devient naturellement plus facile. Les conditions de livraison non règlementées présentent néanmoins un risque majeur.

Qu’entendez-vous par là?

La plateforme ne jouant qu’un rôle d’intermédiaire, l’expédition est de la responsabilité des commerçants. Si une cliente commande plusieurs articles auprès de différents commerçants, elle fera face à différentes conditions et différents couts d’expédition, ce qui peut avoir un effet dissuasif.

Comment pourrait-on résoudre ce problème?

Par exemple, en assumant tous les frais d’expédition moi-même, en tant qu’exploitante de la plateforme. Évidemment, cela soulève à son tour des questions de financement. Par ailleurs, une commande collective devrait être livrée chez la cliente en un seul colis, et non en plusieurs. Je suis cependant persuadée que ces problèmes d’expédition peuvent eux aussi être résolus. De même, je suis convaincue que la demande pour ce type de vêtements croitra continuellement dans l’industrie occidentale de la mode. La diversité prend une place de plus en plus centrale dans notre société, et la tolérance envers d’autres religions, ethnies, conceptions et orientations sexuelles augmente.

Pourquoi serez-vous une bonne entrepreneuse?

J’ai l’endurance nécessaire ! Je suis consciente que ce travail ne se limite pas aux horaires de bureau et suis prête à m’investir corps et âme. Aujourd’hui déjà, j’ai toujours un crayon et un bloc-notes à portée de main: je note les idées dès qu’elles germent afin de les développer par la suite. Les meilleures idées me viennent dans les situations banales du quotidien, lorsque je suis dehors ou au fitness. En tant qu’entrepreneuse, il faut savoir accepter la critique, ne serait-ce que parce que les suggestions d’amélioration constructives font avancer l’entreprise. De plus, il est capital de s’entourer d’une bonne équipe, de personnes dont les compétences compensent ses propres lacunes éventuelles.

Où devez-vous encore vous améliorer?

Sur ce dernier point justement: déléguer. Pas par manque de confiance envers les autres, mais plutôt parce que j’ai tendance à considérer comme un échec le fait de ne pas être capable de réaliser certaines tâches. Un bon entrepreneur se distingue précisément par son aptitude à ne pas considérer un possible échec de sa startup comme une défaite, mais à en tirer des leçons et y puiser des idées et une énergie nouvelle pour prendre un nouveau départ.

Où vous voyez-vous dans dix ans?

J’aimerais avant tout avoir fondé une famille (rires). Et je souhaite être à la tête d’une entreprise florissante, qu’il s’agisse de «Modest Fashion» ou d’un autre projet. Ma motivation principale réside dans le fait que la réussite financière est synonyme d’indépendance géographique et temporelle. Il est également essentiel à mes yeux que l’entreprise apporte une contribution significative à la société et soutienne des projets caritatifs. Je veux laisser des traces durables.