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Numérisation : des obstacles majeurs pour les pauvres et les personnes atteintes de troubles psychiques
26.09.2023 Les personnes en situation de pauvreté ou atteintes de graves troubles psychiques ont de la peine à suivre le rythme effréné de la numérisation. Elles ont besoin d’appareils faciles d’emploi et de conseils ciblés pour ne pas se laisser distancier. C’est ce que montre une étude de la BFH.
La Suisse compte plus de 700’000 pauvres et plusieurs dizaines de milliers de personnes souffrant de graves troubles psychiques. La BFH a mené une étude sur l’impact de la numérisation croissante sur ces personnes vulnérables. L’idée a germé au cours d’un entretien entre deux chercheuses de la BFH.
Directrice de l’Institut enfance, jeunesse et famille du département Travail social, Emanuela Chiapparini mène depuis des années des recherches, notamment sur la pauvreté. Quant à Anna Hegedüs, elle travaille au département Santé pour un service de promotion de la Fondation Lindenhof, dont l’objet est la recherche sur les soins psychiatriques ambulatoires. « Nous avons constaté que la numérisation place les personnes touchées par la pauvreté et celles souffrant de graves troubles psychiques face à des défis similaires », souligne Emanuela Chiapparini.
Implication des personnes concernées
Les deux chercheuses ont voulu en savoir plus. Une étude commune avait pour objectif de mettre en évidence les obstacles dus à la numérisation auxquels ces deux groupes de personnes sont confrontés dans leur vie quotidienne et comment ces obstacles peuvent être surmontés. Dans un premier temps, les deux femmes et leurs collaboratrices, Daniela Willener et Kristina Domonell, ont évalué 43 études portant sur les compétences numériques de base et l’utilisation des outils numériques par les personnes socialement défavorisées.
Dans un deuxième temps, elles ont intégré de manière ciblée le point de vue des personnes concernées et des spécialistes. Pour ce faire, elles ont organisé des tables rondes pour recueillir les expériences des deux groupes en matière d’utilisation des outils numériques et leurs questions. À leur grande joie, les sept personnes contactées ont spontanément accepté de participer à l’étude, précise Emanuela Chiapparini. « Nous avons de ce fait obtenu un aperçu direct des difficultés auxquelles ces personnes sont confrontées dans leur quotidien. »
Le numérique n’est pas toujours une priorité
Les résultats de l’étude sont décourageants : « Ces personnes ne parviennent pas à utiliser un ordinateur ou un smartphone lorsqu’elles vont mal », explique Emanuela Chiapparini. En outre, elles ne disposent souvent pas d’un accès règlementé à l’internet, ou manquent de connaissances pour utiliser efficacement les appareils numériques.
Mais leur réticence à utiliser les outils numériques s’explique encore autrement : les personnes touchées par la pauvreté et les personnes souffrant de graves troubles psychiques préfèrent le contact personnel. Cela leur permet d’échapper, au moins ponctuellement, à leur isolement social. « Elles opteront pour l’achat d’un billet de train au guichet plutôt que sur une application pour smartphone », constate Emanuela Chiapparini. Cela ne les aide pas non plus à renforcer leurs compétences numériques.
Les personnes concernées ne parviennent pas à utiliser un ordinateur ou un smartphone lorsqu’elles vont mal.
Autre problème : les personnes concernées ne reçoivent souvent pas un soutien suffisant lors de l’utilisation d’appareils numériques. « Les professionnel-le-s manquent de temps pour montrer aux client-e-s comment chercher une information ou accéder à leur compte bancaire sur leur téléphone portable », précise-t-elle. Autre explication : souvent, les professionnel-le-s n’ont pas les compétences nécessaires.
Accès et éducation
Selon les autrices de l’étude, il faut trois choses pour que les personnes concernées puissent surmonter les obstacles face aux outils numériques :
- une infrastructure facilement accessible et peu couteuse (accès au réseau et équipements) ainsi que des offres de formation abordables à l’utilisation de ces outils ;
- des « plages horaires » dédiées pour les professionnel-le-s (psychothérapeutes, travailleurs sociaux, etc.) afin d’encadrer leurs client-e-s dans l’utilisation des appareils numériques et leur montrer l’utilité des contenus en ligne ;
- la collaboration des « pair-e-s » dans l’enseignement des compétences numériques ; ces personnes tirent leur expertise de leur expérience et ont en général un meilleur accès aux personnes concernées.
En outre, la directrice de l’étude lance un appel à l’industrie : lors du développement d’appareils ou d’applications, les entreprises devraient tenir compte de l’expérience de ces personnes et prendre en considération leurs besoins. Des appareils simples à utiliser enlèveraient un obstacle majeur du quotidien des personnes vulnérables.
Des offres intégrées
En résumé, Emanuela Chiapparini plaide pour une intégration ciblée d’offres personnelles et numériques pour les personnes concernées. « Une application seule ne permet pas de résoudre tous les problèmes. » En encourageant le savoir-faire numérique et le suivi personnel, l’aide apportée à ces personnes gagne en efficacité et leur permet de ne pas être mises au ban de la société.